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Léon Trotsky 19340716 Lettre à Raymond Molinier

Léon Trotsky : Lettre à Raymond Molinier

(16 juillet 1934)

[Source Léon Trotsky, Œuvres 4, Avril 1934 – Décembre 1934. Institut Léon Trotsky, Paris 1979, pp. 151-152, titre : « Il faut franchir le Rubicon », voir des annotations là-bas]

Cher Ami,

Après notre dernier entretien, je voudrais bien préciser par écrit quelques idées et ajouter quelques arguments supplémentaires.

D’aucuns disent : « Nous avons été fraction de la IIIe Internationale, puis, organisation indépendante (IVe), après cela en liaison avec les centristes (IIe et II1/2). On nous propose maintenant de rejoindre la IIe. » Énoncer les faits de cette façon donne un tableau burlesque. On pourrait affirmer en suivant la même méthode (ou sans méthode du tout) : « Lénine appartenait à la IIe, il rompit avec elle à Zimmerwald et à Kienthal, il conclut une alliance avec les éléments de la II 1/2 et même de la IIe. A la veille de la révolution de février, il prêchait déjà la rupture avec eux, désespérant tout à fait, en même temps, de la lenteur du développement de la IIIe Internationale. Après la révolution d’Octobre, il conseillait aux communistes anglais d’entrer dans le Labour Party, etc. » Ces « contradictions » ne sont que des méthodes différentes pour appliquer les mêmes idées dans des circonstances différentes.

Je crois que l’unité, la continuité de notre programme sont hors de discussion. Les événements nous ont maintes fois donné et continuent de nous donner raison. Si, pour notre programme, nous sommes obligés de manœuvrer avec énergie dans une ambiance qui change tous les jours, au milieu de difficultés sans égales, ce n’est pas de notre faute. On ne choisit ni ses parents, ni le milieu dans lequel on agit.

Les débats, comme la dernière décision, du C.N. socialiste démontrent l’impétuosité de la pression des masses pour l’unité. Le tournant nous entraînera ou nous rejettera dans le néant. Mais il peut nous entraîner de deux façons, soit comme des prisonniers, pieds et poings liés, soit comme un groupe qui dirige consciemment et à temps sa barque dans le courant. Malheur à nous si nous sommes en retard ! L’avantage serait énorme si nous pouvions aujourd’hui, au lendemain du C.N., proclamer notre adhésion. Ce n’est pas possible. Mais six semaines ! Six semaines comptent plus que six ans dans une autre période ! Il faut hâter la décision ; la situation est absolument claire et impérative.

Il faut franchir le Rubicon pour conquérir un empire !

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